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Je m'en rappelle comme d'un doux souvenir. Je débutais ma carrière de cuisinier à Lyon et j'étais là assis à cette table de Collonges au Mont d'Or. Le rêve de toute une vie, déjeuner pour la première fois chez la Toque en chef de toutes les autres : Paul Bocuse. C'était au début des années 1990 par un beau jour de printemps, de ceux qui annoncent les grands moments. Et puis je l'ai vu débarquer en plein milieu du repas. Sa majestueuse arrivée happa tous les regards. Elle était à l'abri dans son écrin, presque gênée d'attirer toutes les convoitises. Reine de mes songes.
"Elle", c'était cette fameuse poularde de Bresse demi-deuil en vessie de la Mère Fillioux.


Un héritage gastronomique que monsieur Paul avait précieusement fait perdurer dans sa maison comme un hommage à son passage chez la mère Brazier. Le directeur de salle perça délicatement la vessie pour nous présenter cette fabuleuse volaille. Le bal pu alors débuter dans mon assiette. Un morceau d'histoire et même plusieurs au propre comme au figuré. Un instant de partage délicieux. Mémorable. A s'en rappeler toute une vie. Le beau, le bon et l'enfance.
Depuis j'ai réinterprété cet immense classique de la cuisine française en en faisant l'un de mes plats signatures tellement de fois. J'ai remarqué qu'en vieillissant, on s'attache de plus en plus au produit. Celui-là en est un d'exception. Quelle merveille que cette poularde de Bresse. Celle que je sers à mes convives fait toujours le même poids : 2,2 kg.


Sa recette est invariable : je commence par faire glisser sous la peau de mon trésor des lamelles de truffe noire. J'enveloppe après ma bête dans du film tout en veillant à faire un petit trou. Je prépare mon bouillon avec de la crème et du porto réduit. C'est lui qui accueillera ma poularde durant 4 h 30 de cuisson à 72 degrés.
L'idéal est la savourer à deux ! Vous pouvez même apprécier sa découpe devant vos yeux. En premier service, les suprêmes accompagnés avec de leurs jolis légumes de saison : en ce mois d'avril ce sont les carottes, les navets, les poireaux, les févettes...
Pendant que vous êtes en pleine dégustation, la poularde est déjà repartie en cuisine. 
En deuxième service, les cuisses légèrement dorées, après un passage rapide sous la salamandre, agrémentées d'une salade avec une vinaigrette de truffe et une julienne de céleri.
Le reste se passe entre vous et vos papilles ! La belle musique symphonique d'un balet que je suis seul à voir. Si tous les chemins des itinérants et des enfants de Dieu mènent à Rome, dit on, ceux des gastronomes, des gourmets,suivent une piste bien à eux !!! de la guinguette au bord de l'eau à la bonne auberge bien de chez nous où tous les environs se retrouvent autour d'un Pierre qui à su leur en donner l'idée. Paradis d'élus, d'amis pour lesquels la cuisine est un grand art. D'abord ici, on vous accueille, on vous reçoit comme autrefois, on vous reconnaît et on va communier dans un vrai partage avec amour, respect car dans ce lieu tout est éducation et du sol au plafond.


Ses proches peuvent voir son regard s'allumer, devenir comme les flammes de la cheminée. Les initiés comprendrons immédiatement que l'homme est habité, qu'il éclaire, trace, montre, conduit, utilise son intelligence et offre son amitié pleine de complicité rieuse...Son regard vous réchauffe, il est comme un café brûlant qu'il va partager avec son dernier visiteur esquisse élégante tout en finesse d'un sourire malicieux. l'homme est comme sa table, portes ouvertes sans être pourtant un hôte ordinaire... Il y a chez se phénomène aussi bien, dans la même peau un artiste qu'un aubergiste. Il sert le vrai, le beau, le beau et le bon dans une assiette picturale entrelacer de mets dans une grâce éphémère mais royale où l'olfactif est partout comme les parfums d'un nez qui verra se détruire cette pièce unique, magique que l'artiste et l'aubergiste auront créé de leur doigts agiles conduit par un fil invisible qui pourrait être celui d'Ariane... Pierre exprime sa cuisine, il l' a respire pour bien marquer son sens inné de la perfection conjuguant ses verbes du goût, de la matière donc du toucher bête qui nous parait morte, cuite à point et qui reste encore tellement vivante de ses sens que personne nous apprends à connaître. Régal, régal des yeux et des couleurs, régal du nez et des odeurs, régal de saveurs avant d'avoir commencer à goûter ou tout devient passion dans une musique en toile de fond qui nous enivre dans une fête presque mytique toute en douceurs de musiques nervaliennes et juste à côté où vécu celui qui rendit la vie à Ésope ce poète grec à travers cette campagne malaisée, sablonneuse qu'il affectionnait plus particulièrement du côté de Charly. Cette cuisine télévision en couleurs, qui ne déforme, ni ses formes ni ses secrets, ni ses couleurs tout en gardant intact tout ce qui la compose. Pierre Marchesseau cuisine avec le pinceau de son âme, la perfection de son oeil d'aigle, et la justesse de ses papilles. Il aime les volumes, il aime les espaces, le rappel des tons sans oublier les rappels du rouge, de la tomate, du blanc limpide de ses oeufs juste cuit pour faire plus joli... "qu'il fait bon chez vous Maître Pierre,
qu'il fait bon dans votre moulin ..." Ce vieux refrain nous revient en mémoire  en même temps qu'une image plus grave encore. Elle s'impose à vous, et vous rend toute l'ampleur de sa meditation et une fois le dernier client parti, L'Ami Pierre donnait un dernier tour de de clef pour la fermeture cette fois et recevoir douze hôtes qu'il sera le seul à voir autour de ce repas illuminé qu'il a surnomé la cène autour d'un Maître de table que rien n'y personne ne pourront oublier. Les Goncourt seront t'ils demain encore chez Drouant et où sont passés les dîneurs des soirée de Médan...
Le Pierre du Paradis de là-bas ne l'oubliera jamais et ne nous dira rien pas plus que les profonds sec
rets de sa cuisine. Certains mystères ne se cherchent pas, ils se goûtent comme cette cuisine télévision où chacun peut trouver son bonheur dans ses propres perceptions. Pourvu que Pierre cuisinât longtemps pour tout ceux qui ont un nez une bouche, des yeux bien ancrés entre les oreilles...

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