La symbolique du poisson






Le poisson, un symbole majeur du christianisme primitif



Après sa Résurrection, Jésus, sur les bords du lac de Tibériade, prépare un repas pour les disciples. Sur un feu de braise, il leur apprête du poisson.
Déjà lors des multiplications des pains, il avait fait distribuer du poisson aux foules affamées.
Pour désigner ces poissons, l’évangile de Jean emploie le mot opsarion, tandis que pour les cent cinquante trois gros poissons de la pêche miraculeuse il a recours au terme ichtys.
C’est ce dernier terme qui sera exploité par la tradition chrétienne.
L’hébreu connaît également deux mots pour désigner le poisson : nun et dag.
Très tôt le poisson deviendra un symbole majeur du christianisme primitif.
Dans la basilique byzantine de Bethléem, une mosaïque de la période constantinienne porte l’inscription grecque Ichtys (poisson).
De nombreuses lampes à huile byzantines sont décorées avec le symbole du poisson.


Poisson-Christ
C’est le texte de Tertullien qui vient immédiatement à l’esprit lorsqu’on explique le symbole :
« Nous autres, petits poissons, comme notre Poisson, le Christ-Jésus, nous naissons dans l’eau et nous ne sommes sauvés qu’en demeurant dans l’eau» (De Baptismo 1) .
Les inscriptions d’Aberkios provenant de Hiérapolis en Asie Mineure et celle de Pectorios trouvée à Autun, sans faire explicitement l’équivalence Poisson-Christ, la supposent et témoignent de la diffusion rapide du symbole.
Ce n’est pas étonnant que les Pères de l’Église s’attardent à expliquer le symbole du poisson.
Origène, dans son Homélie 13,10 sur l’évangile de Matthieu, l’exploite.
Enfin l’acrostiche fameux des Oracles sibyllins 8, 217-250 est demeuré célèbre : les lettres du mot Ichtys forment les initiales de la phrase « Jésus-Christ fils de Dieu Sauveur » et supposent l’identification du Christ au poisson sans l’expliquer.


Poisson et pain eucharistique
Catacombe de Calliste, Rome
(photo : Art Sacré)


Les hypothèses ne manquent pas pour expliquer le symbole du poisson et sa reprise par les chrétiens.
Daniélou, dans son livre sur les symboles chrétiens primitifs, ne retient que le sens baptismal.
Eisler avait proposé une autre solution dans son livre Orpheus the Fisher.
C’est le repas au poisson du début du sabbat dont le sens eschatologique est clair qui explique la diffusion du symbole.
De nombreux textes soulignent cette dimension eschatologique, en particulier 2 Bar 29,4; 4 Esd 6,52 et Sab 118b-119a.
Le vendredi est appelé la parasceve dite aussi cena pura.
Le choix du poisson pour le repas qui ouvre le sabbat s’explique par son caractère messianique et eschatologique.
Selon la tradition juive, Dieu servira aux justes Léviathan comme nourriture à la fin des temps.
Le poisson du sabbat préfigure ce repas kasher, car ce poisson a des écailles et des nageoires.
Le passage de Mt 16,4 voit dans l’épisode de Jonas qui a passé trois jours et trois nuits dans le ventre du poisson le symbole du Christ qui est demeuré trois jours dans le sein de la terre.
La patristique développera cette symbolique.
Jésus et Josué
Une autre hypothèse de Eisler (1) mérite d’être approfondie : le symbole du poisson appliqué à Jésus renvoie à Josué, fils de Nun.
En effet nun signifie poisson en araméen.
Les Pères de l’Église avaient déjà fait le rapprochement entre Josué et Jésus.
En grec c’est le même mot Iêsous qui est employé pour les deux.
Origène, dans ses Homélies sur Josué, exploite ce filon (2). I
l est repris par Tertullien dans son Ad. Marc. 3,16 et par Hilaire de Poitiers, dans son Tractatus Mysteriorum2,6 : « Comme l’un fut chef de la synagogue, l’autre l’est de l’Église.
Comme l’un fut guide vers la terre promise, l’autre est le guide vers la terre que nous posséderons en héritage…
Comme l’un vint après Moïse, l’autre vint après la loi. Comme l’un reçut l’ordre de renouveler la circoncision… ainsi le Seigneur inaugura la circoncision du coeur.
Comme l’un divisa les eaux, l’autre divisa les peuples.
Comme l’un dressa en témoignage sur la terre douze pierres qu’il avait tirées du fond du Jourdain… de même l’autre fit sortir de la synagogue la doctrine des Apôtres (3) … ».
Il faut noter que la littérature rabbinique avait exploité la signification du nom Josué, fils de Nun : « C’est le fils du ‘Poisson’ qui conduit les fils d’Israël dans la terre promise » affirme GenR 48,16.
Peut-être une autre hypothèse permet-elle d’enrichir la polyvalence du symbole du poisson.
Dans la généalogie de l’évangile de Matthieu, l’auteur divise les générations en trois groupes de quatorze.
L’explication habituelle consiste à faire appel à la valeur numérique du mot David dont la valeur numérique est quatorze.
L’histoire tend ainsi vers Jésus, le fils de David.
Une autre explication se base sur le fait que la quatorzième lettre de l’alphabet hébreu est la lettre Nun (poisson).
Jésus est ainsi le nouveau Josué qui fait entrer le peuple dans la terre promise.
Lorsque l’évangile de Jean souligne que Jésus préparait le poisson (opsarion) pour les disciples qui venaient de prendre les poissons (ichtus), il veut montrer que Jésus est le nouveau Josué, fils de Nun.
« Il monte dans la barque de Pierre.
C’est la barque qui selon Matthieu est agitée et qui selon Luc est remplie de poissons.
Tu reconnaîtras ainsi à la fois les débuts agités de l’Église et l'Église en plein essor dans la suite, car les poissons représentent ceux qui sont en pleine vie. »
(Ambroise, Traité sur l’Évangile de Luc 4,64)

Le poisson

Dans les images des peuples indo-européens, le poisson, emblème de l'eau, est symbole de fécondité et de sagesse.
Caché dans les profondeurs de l'Océan, il est pénétré par la force sacré de l'abîme.
Le poisson à cause de sa présence dans les profondeurs nous suggère l'existence de choses mystérieuses et inaccessibles.
Elles nous attirent même si nous ne pouvons pas tout à fait les connaître.
Par exemple, la véritable nature de Dieu nous échappe et nous n'en savons que ce qu'il a bien voulu nous dire dans les Écritures et la révélation chrétienne.
Le poisson qui nage dans les profondeurs avec aisance et beauté nous suggère d'entrer dans une démarche de connaissance du mystère de Dieu.
La symbolique du poisson s'est étendu dans le christianisme, avec un certain nombre d'applications qui lui sont propres.
Le mot grec Ichtus (= poisson) est en effet pris par les chrétien comme idéogramme, chacune des cinq lettres grecques étant regardée comme l'initiale d'autant de mots qui se traduisent :
Jésus-Christ, Fils de Dieu, Sauveur, Jesu Kristos Theou Uios Sôter.
De là les nombreuses figurations symboliques du poisson dans les anciens monuments chrétiens (en particulier funéraires).
Les traditions populaires se plaisent à imaginer le poisson qui, à la surface de l'eau, se rendant visible au pilote, guide ainsi le bateau vers un point inconnu et difficile d'accès.
Peut-être pourrions-nous choisir Jésus, figuré par le poisson, pour nous guider dans l'immensité du monde vers le Royaume de Dieu.
La belle histoire de Jonas nous raconte comment le poisson géant qui l'avait englouti pour le protéger l'a finalement déposé près de Ninive où il avait une mission de diffuser la Bonne Nouvelle du salut par la miséricorde.

Le symbolisme chrétien du poisson

Je cherche des informations sur la signification du symbole du poisson (ichthus) ainsi que sur son origine dans la Bible.
L'origine du symbole dans la Bible ne doit probablement pas être cherchée dans l'Ancien Testament ou l'on parle peu du poisson.
C'est le Nouveau Testament et surtout les évangiles qui parlent souvent de poisson, de pêche et de pêcheurs (lire Mt 4,18-20 et passages parallèles;7,10; 13,47; Lc 24,42; Jn 21,3-14).
En grec, la langue des évangiles, le mot poisson s'écrit « ichthus ».
Chacune des cinq lettres grecques est le début d'un titre christologique que l'on traduit :
Jésus, Christ, Fils de Dieu, Sauveur.
L'interdépendance entre l'idéogramme " ICHTHUS " et la représentation graphique du poisson
s'est imposée rapidement chez les premiers chrétiens.
Mais dès le début du IIIe siècle, l'origine du symbole était déjà probablement oubliée.
Il devient donc plus pertinent de parler de la signification du symbole en proposant deux
hypothèses parmi les plus intéressantes.

Le poisson comme symbole eucharistique et baptismal
Les interprétations les plus anciennes qui nous sont parvenues viennent des Pères de l'Église
latine qui ont associé au poisson un sens lié aux rites sacramentels.
Selon certains historiens, la conception du poisson-Christ serait née du rite baptismal qui se
pratiquait souvent par immersion à cette époque.
Cette interprétation s'accorde très bien avec un texte célèbre de Tertulien (155-220) :
« Nous, petits poissons, à l'image de notre Ichthys, Jésus-Christ, nous naissons dans l'eau. » (De baptismo, c. 1)


Pains et poissons d'une mosaïque de Tabgha.
(photo : BiblePlaces.com)

Parmi les monuments qui nous sont parvenus, le poisson est souvent associé au pain et au vin comme en témoigne l'images ci-dessus.
Saint Augustin (354-430) est le premier écrivain ecclésiastique à avoir donné une valeur eucharistique au poisson (voir son Traité sur l'Évangile de Jean, vers 416).
De plus, une inscription conservée au Musée du Vatican présente le poisson-Christ comme l'aliment du banquet eucharistique.
Mais c'est une exception car le symbole est habituellement associé au pain et au vin qui sont devenus, à la fin du IIe siècle, les seuls symboles de l'eucharistie.

Le symbole comme protestation
En 1898, Robert Mowat proposait une hypothèse fondée sur la numismatique (l'étude des monnaies anciennes).
L'épigraphiste remarqua que la formule à laquelle l'idéogramme renvoie se décompose en trois membres de phrase distincts :
Jésus Christ - Fils de Dieu - Sauveur.
La formule respecte la structure tripartite en usage chez les Romains.
La dénomination officielle d'un citoyen romain était composée de ses prénom et nom, de safiliation paternelle et de son surnom, simple ou complexe.
On retrouve ce genre d'agencement dans la légende de certaines têtes de monnaies émises sous le règne de l'empereur Domitien.
Nous savons que Domitien était le fils de Vespasien, un empereur divinisé.
L'idéogramme serait donc un cri de protestation chrétien contre la prétention impériale :
César, fils de Dieu! Il s'agit d'une hypothèse qui tient compte du contexte culturel dans lequel la chrétienté vivait autour de l'an 95.
Tête laurée de Domitien
CAES DIVI VESP F DOMITIANVS COS VII
« César fils du divin Vespasien
Domitien Consul pour la septième fois. »

Quelle que soit l'interprétation qu'on en donne une juxtaposition de titres christologiques agencés sous l'influence du symbole pisciforme, un symbole sacramentel ou un cri de protestation contre la prétention divine de l'empereur.
Le symbole du poisson est une véritable confession de foi chrétienne.
Il n'est donc pas étonnant que la représentation picturale du symbole soit encore utilisée aujourd'hui.



Bas-relief avec 2 poissons

St-Laurent-hors-les-murs

[ Rome, Italie ]



Un petit dauphin suit un gros dauphin

Catacombe de St-Laurent-hors-lesmurs
[ Rome, Italie ]

Bas relief avec 2 poissons, Saint-Laurent-hors-les-murs, Rome
Un petit dauphin suit un gros dauphin. Catacombe de Saint-Laurent-hors-les-murs, Rome.

Des siècles avant le Christ les païens conféraient déjà au poisson une signification d’espérance, es chrétiens en firent une image du Sauveur entraînant dans les eaux du salut le nouveau baptisé, “petit poisson” qui suit l’Ichtus.

Les lettres qui composent le mot grec pour dire poisson sont en effet les initiales des titres de “Jésus-Christ, Fils de Dieu, Sauveur.”

Au troisième siècle Tertullien explique:

“Nous, petits poissons selon notre poisson Jésus Christ, nous sommes nés dans l’eau et nous ne pouvons être sauvés autrement qu’en demeurant dans l’eau.”
C’est dans l’eau du baptême que nous sommes unis au Christ.
Sept poissons suivent le Christ M.Diener, Mosaïque du baptistère de Saint-Maurice, Suisse
Alors que le texte écrit dans les flots annonce:
“Ici jaillit la fontaine de vie” sept poissons suivent un poisson doré, ils représentent les chrétiens que les sept sacrements font vivre de la vie du Christ.
Ils sont unis en une seule communauté par le baptême c’est pourquoi l’artiste a voulu ce décor joyeux pour la niche où sont déposées les saintes huiles qui marquent le nouveau baptisé à l’empreinte de Celui qui le sauve des abîmes du mal.
“Un peuple destiné au ciel, d’une semence sacré naît ici: des eaux qu’il a fécondées l’Esprit le met au monde.
Plonge-toi, pécheur qui veut être pur, dans les flots sacrés: celui qui dans les flots entre vieux est rendu à une vie nouvelle.
Aucune différence ne partage les nouveaux nés qu’unissent une seule source, un seul Esprit, une seule et même foi.
Les enfants qu’elle a conçus de l’Esprit divin comme une progéniture virginale, l’Eglise Mère les fait naître ici des sources du baptême.
Toi qui veut être sans tache, purifie-toi sous l’eau qui se déverse, accablé que tu es de ton propre péché ou du péché originel.
Ici jaillit la fontaine de vie qui peut laver la terre entière, elle qui prend sa source dans la plaie du Christ.
Attends le royaume des cieux, toi qui, dans cette source, es né une nouvelle fois: cette vie-là n’adopte pas celui qui ne naît qu’une fois.
Que personne ne se décourage devant le nombre et la gravité de ses péchés: régénéré par ces eaux, il fera un croyant” Tiré des Inscription chrétienne de la ville de Rome 2,1.
Texte présumé de Saint Léon le Grand.


Sept poissons suivent le Christ

M.Diener
mosaïque
Baptistère de l’Abbaye de Saint Maurice

[ St-Maurice, Suisse ]

Es de ton propre péché ou du péché originel.
Ici jaillit la fontaine de vie qui peut laver la terre entière, elle qui prend sa source dans la plaie du Christ.
Attends le royaume des cieux, toi qui, dans cette source, es né une nouvelle fois.
Cette vie là n’adopte pas celui qui ne naît qu’une fois.
Que personne ne se décourage devant le nombre et la gravité de ses péchés: régénéré par ces eaux, il fera un croyant” Tiré des Inscription chrétienne de la ville de Rome 2,1.
Texte présumé de Saint Léon le Grand.

Banquet céleste, crypte de Calliste
Poissons et pain eucharistique, crypte de Calliste


Sur la table du repas céleste, le peintre de la chambre des sacrements à la catacombe de Calliste a confié au poisson le soin de représenter le Christ qui se fait notre aliment par sa Parole qui nourrit les cœurs, et par l’Eucharistie qui nos communique sa vie, comme Il l’avait promis au bord du lac de Galilée.


“Rejeton divin du Poisson céleste, puise d’un cœur pur, toi mortel, à l’immortelle et divine eau de la source...

Prends la douce nourriture du Rédempteur des Saints, mange, toi qui as faim, en tenant le Poisson sur la paume des mains.
Je vous implore donc Seigneur, notre Sauveur, de nous rassasier du Poisson.
Souvenez-vous de Pectorius dans la paix du Poisson“. (Epitaphe de Pectorius, Musée Rolin, Autun.
Probablement du IIe siècle)

L’évêque de Hiéropolis, Aberkios, a fait composer une épitaphe pour sa tombe au deuxième siècle.

Celle- ci est sans doute la plus ancienne des inscriptions mentionnant l’eucharistie et elle exprime la foi avec un symbolisme si proche des images des premiers chrétiens qu’elle en est une sorte de clé:
“Citoyen d’une cité de choix, ... jusqu’à Rome il (le Christ) m’a envoyé voir des splendeurs royales.
Et regarder une reine, vêtue d’or et chaussée d’or.
Là aussi je vis un peuple portant sceau de lumière.
Et je trouvais partout compagnons d’assemblée.
Paul était mon cavalier.
Partout la foi ouvrait la route, partout on me servait un poisson de source en nourriture, immensément grand et pur, un vierge immaculée le pêche.”...


Jésus après sa résurection attends
sur la rive la barque aux poissons...

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